Agenda

Année 2019

 

Mercredi 27 novembre 2019 - 19h

Café littéraire : L'art de la guerre - Sun Tzu

 

Mercredi 18 décembre 2019 - 19h

Café littéraire : La densification de l'être - Chapus et Venard

 

 

Tarif  : 5€ 

 

En partenariat avec l'Espace Mouneyra

118, rue Mouneyra - 33000 Bordeaux
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Citation

" En notre temps, la seule querelle qui vaille est celle de l'homme. C'est l'homme qu'il s'agit de sauver, de faire vivre et développer. "

 

Charles de Gaulle

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Dialoguer avec Socrate

 

Le 21 octobre 2015, Doc Brown et Marty McFly, les héros de Retour vers le Futur, parvenaient à notre époque à bord de leur voiture à explorer le temps – la Delorean. Catastrophés par ce qu’ils découvrirent – la planète polluée, les inégalités grandissantes, l’extrémisme exaspéré, et surtout l’absence inexplicable de voitures volantes et de vêtements auto-séchants – ils firent un bon dans le passé, en 400 avant J.C., pour aller chercher la seule personne capable d’apporter de la lumière à notre époque de fous : le plus grand des philosophes grecs, Socrate. Ils trouvèrent le vieux sage d’Athènes en train de dialoguer avec le sophiste Calliclès. Bien qu’un peu étonnés par cette brusque interruption, ces derniers acceptèrent de se rendre en 2015 pour constater l’état de notre monde...

Pendant quelques heures, Socrate et Calliclès parcourent les rues d’une grande métropole, explorent les souterrains du métro, arpentent les interminables allées d’un centre commercial et, dégustant une glace chocolat-vanille et une barbe à papa, finissent leur parcours en visitant des villages de sans-abris sous les ponts…

Socrate : Quel monde étrange ! Les villes des hommes ont grandi dans toutes les directions, les outils dont ils se servent ne ressemblent en rien aux nôtres, tout semble aller plus vite et plus loin, et pourtant les comportements n’ont pas changé d’un iota ! Bien au contraire, c’est comme si les progrès de la technique n’avaient fait que renforcer les passions de l’âme ! Chacun pour soi, on consomme tout ce que l’on peut, sans intelligence et sans retenue. Voilà qui doit te plaire, mon cher Calliclès !

Calliclès : Je ne te cache pas, Socrate, que ce monde est tout à fait à mon goût ! Si on veut vivre comme il faut, il faut laisser aller ses propres passions, si grandes soient-elles, au lieu de les réprimer. Quelle que soit l’époque, les hommes qui réclament de la justice et de la tempérance ne sont que des lâches dans l’incapacité d’assouvir leurs propres désirs !  La vérité, la voici : si la vie facile, l’intempérance, et la liberté de faire ce qu’on veut sans trop d’effort, demeurent dans l’impunité, ils font le bonheur d’un homme. Tout le reste, ce ne sont que de belles idées, des convention faites par les hommes et contraires à la nature, rien que des paroles en l’air, qui ne valent rien.

Socrate : Explique-moi, Calliclès : tu dis que, si l’on veut vivre tel qu’on est, il ne faut  pas réprimer ses passions, mais se tenir prêt à les assouvir par tous les moyens. Est-ce bien en cela que consiste le bonheur pour toi ?

Calliclès : Oui, je l’affirme !

Socrate : On a donc tort de dire que ceux qui n’ont besoin de rien sont heureux ?

Calliclès : Oui, car, à ce compte, les pierres et les cadavres seraient très heureux !

Socrate : Mais tout de même, c’est une vie terrible que tu me décris-là ! Si le bonheur réside dans le fait d’avoir des désirs et de les assouvir, de se remplir et de se vider en continu en consommant toutes les richesses que notre travail quotidien peut sortir de terre, surtout s’il s’agit du travail des autres, en restant soi-même dans l’oisiveté et l’indolence, certes, ce n’est pas la vie d’un cadavre ou d’une pierre, mais bien celle d’un pluvier, qui mange et fiente en même temps !

Calliclès : Ce dont je parle, c’est de vivre dans la jouissance, d’éprouver toutes les formes de désirs et de les assouvir. Boire quand on a soif, manger quand on a faim. Voilà, c’est cela, la vie heureuse ! Ce futur de la civilisation qui apparaît devant nos yeux est la parfaite application de la doctrine que je viens de t’enseigner !

Socrate : Fort bien, très cher. Alors, pour commencer, réponds à cette question : suppose que quelque chose te démange, que tu aies envie de te gratter, que tu puisses te gratter autant que tu veux et que tu passes tout son temps à te gratter, est-ce là le bonheur de la vie ?

Calliclès : Eh bien, je déclare que même la vie où on se gratte comme cela est une vie agréable !

Socrate : Et si c’est une vie agréable, c’est donc aussi une vie bonne et heureuse.         

Calliclès : Oui, absolument. Je déclare que l’agréable est identique au bon. Ceux qui n’ont pas le courage d’assouvir leurs désirs ne sont que des mauviettes !

Marty : Qui m’a traité de mauviette ?…

Doc : Calme-toi, Marty. Laisse Socrate répondre à Calliclès.

Socrate : Oui, je ne vais pas me gêné pour démonter ses affirmations. Dis-moi, Calliclès, penses-tu que l’on puisse connaître le bonheur dans le même temps que le malheur ? Peut-on être à la fois en bonne santé et malade ? Ces deux états ne s’établissent-ils pas dans l’âme chacun à son tour ?

Calliclès : Sans doute, oui !

Socrate : Le contraire serait illogique. Pourtant, tu nous disais tout à l’heure que le bonheur, c’est de boire quand on a soif, de manger quand on a faim. Te rends-tu bien compte de ce qui arrive ? Voici : on jouit en même temps qu’on souffre ! Ces deux états se produisent simultanément, au même lieu et au même moment.

Calliclès : C’est vrai.

Socrate : Donc, prendre du plaisir, ce n’est pas être heureux, pas plus qu’être malheureux, c’est ressentir de la peine ! En conséquence, voilà qu’il me semble que l’agréable est différent du bien.

Calliclès : Je ne sais pas quels tours de sophistes tu es en train de faire, Socrate ! Mais si tu me contredis, en quoi consiste le bien selon toi ?

Socrate : Lorsqu’on déclare qu’un homme est bon, n’est-ce pas à cause des bonnes choses qui sont présentes en lui ? Ainsi, le bien, c’est ce qui dépend de nous : ce sont nos valeurs, les qualités qui font de nous des êtres humains dignes et courageux, pas les circonstances qui déterminent nos plaisirs et nos peines. Ceci était valable hier, l’est encore aujourd’hui et le sera toujours demain. Quelle que soit la taille de nos villes, quels que soient l’état de nos techniques pour adapter le monde à nos besoins, la vie bonne résidera dans notre capacité à mettre en cohérence nos paroles et nos actes. C’est dans l’être que se trouve le bien, non dans l’avoir !

Note de l’auteur : à quelques tournures de phrases près, ce dialogue qui a eut lieu il y a près de 2500 ans, reste aujourd’hui d’une brulante actualité. Pour aller plus loin, lire le Gorgias de Platon. 

 


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