Chasser l’illusion - Bordeaux Philo

Les héros sont fatigués. Comme une étrange torpeur, la résignation semble ...

Les héros sont fatigués. Comme une étrange torpeur, la résignation semble nous avoir envahis, loin des grands combats et des nobles causes, l’heure est au pragmatisme !

Puisque l’on ne peut changer le monde, il reste la possibilité de s’en évader.

Cyrano prend des RTT et Gavroche fait du rap, Astérix est devenu romain et se console avec les bénéfices qu’il tire du commerce de potion...



La résignation s’appelle adaptabilité et l’idéalisme n’est plus qu’un slogan !`


Quelque soit le bout par lequel nous attrapons la réalité, il nous semble manquer de moyens, ne pas pouvoir enrayer les causes des problèmes et seulement pouvoir en juguler les effets.

C’est une illusion.



L’illusion est cet obstacle

né de nos peurs et de nos doutes

qui devient si réel

qu’il paraît indestructible.



L’illusion parle toujours le langage de la limitation, impossible est son credo, mener à l’immobilité sa marque de fabrique.

L’illusion est la fille de la peur et de l’attachement, mais elle est aussi la mère de toutes les opinions, et ce qui la fait grandir est notre permanent besoin d’être rassuré face à l’incertitude.

L’illusion est ce geôlier qui nous fait croire que la porte de la prison est fermée alors qu’elle est ouverte, ce jugement arrêté sur ce qui est possible et ce qui ne l’est pas qui ne témoigne en fait que de la force de nos doutes.

L’illusion conseille toujours de se soumettre aux circonstances et jamais de les combattre.

L’illusion est dans le regard que nous portons sur nous-même qui nous fait accepter la médiocrité de notre existence.

Mais est-ce vraiment la vérité ? Non.



La philosophie nous réapprend que nous n’avons pas besoin de porter des jugements sur tout et que nous pouvons, comme des enfants, goûter pleinement la vie sans chercher à la mettre dans des cases.

Que nous n’avons pas forcément besoin de tout contrôler, qu’il est possible d’aborder l’incertitude sereinement sans peur ni recherche de boucs émissaires si nous acceptons que la vie est mystère et l’essentiel méconnu.



Que nous pouvons reconnaître
nos erreurs et assumer la désillusion,

qui n’est pas amertume

mais croissance intérieure.



Que se rendre compte que l'on s'est trompé est une victoire, car nous avons détruit une illusion, et développé du discernement .

Qu’il est bon d’oser aller de l’avant, oser entreprendre, oser aimer et le dire , sans calculer, sans spéculer sur nos chances de réussite ou nos possibilités d’échec.

Qu’il est valable de changer le monde autour de nous, même si nous n’allons pas pour autant changer le monde entier.

Que les plus grandes choses ne se sont pas réalisées avec beaucoup de moyens mais avec beaucoup de détermination.

C’est le sens de la vieille parabole, qui dit que l’homme doit choisir entre la lumière de la bougie et la bougie.

L’illusion vient de l’obscurité et la lumière la dissipe, mais il faut choisir.



Si nous choisissons de garder la bougie intacte, nous connaîtrons l'obscurité , si nous choisissons la lumière, il nous faudra le courage d’allumer la bougie, de sorte que la flamme naisse et consume la cire.

Et l’essentiel n’est-il pas la flamme plutôt que la cire froide, l’âme plutôt que les apparences, la lumière plutôt que l’obscurité?



Oui, combattre l’illusion demande du courage, mais il faut commencer par les petites choses car ce sont elles qui, réunies, donnent consistance à l’illusion, illusion de ma faiblesse, de ce que je ne peux pas faire, car je n’ai pas les moyens, la force...

Si une feuille de papier est facile à déchirer , cent feuilles réunies seront malaisées à déchirer.



Une illusion unie à une autre illusion devient une puissante vérité,

ainsi va l’homme depuis la nuit des temps et les maîtres de la caverne l’ont bien compris qui répètent

les mêmes messages à l’infini…



Pour vaincre les illusions, il nous faut les vaincre une à une, mobiliser la volonté et déchirer les portes de papier avant qu’il ne soit trop tard.



Sortir de l’illusion c’est mettre autant de force dans l’attachement à nos idéaux que nous en mettions dans l’ attachement à nos limites… avec les mêmes conséquences, car toujours l’attachement finit par rendre vrai ce qui n’existait qu’en nous...

C’est là le grand mystère.



Emmanuel Quad