Agenda

Année 2019

 

Mercredi 27 novembre 2019 - 19h

Café littéraire : L'art de la guerre - Sun Tzu

 

Mercredi 18 décembre 2019 - 19h

Café littéraire : La densification de l'être - Chapus et Venard

 

 

Tarif  : 5€ 

 

En partenariat avec l'Espace Mouneyra

118, rue Mouneyra - 33000 Bordeaux
www.espace-mouneyra.com

Citation

" Ce sont nos choix qui montrent ce que nous sommes vraiment, beaucoup plus que nos aptitudes. "

 

J.K Rowling

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Bordeaux Philo

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Tel : 06 31 17 45 84 

 

 

HABITER AVEC SOI

 

Notre époque est grégaire. Elle plébiscite le règne de la quantité, érige ...

Notre époque est grégaire. Elle plébiscite le règne de la quantité, érige le verdict populaire en valeur et se méfie des chemins de traverse.

Les émissions à faible audimat ne durent guère, et la liste des meilleures ventes fait plus pour un ouvrage que la critique la plus intelligente.

Le constat est paradoxal : jamais l’individualisme n’aura été aussi fort et l’autonomie de pensée aussi faible. L’injonction est surprenante, chacun est incité à trouver son propre chemin pour arriver… à la même destination.

Comme les voitures, dont les profils étudiés en soufflerie, finissent tous par se ressembler, les aspirations semblablement lissées de nos contemporains manifestent cette belle homogénéité de la chose produite en série.

L’originalité se fait rare, et les conduites singulières suspectes à priori…tant il est rare et difficile d’avancer à contre-courant.

L’intelligence est là, impuissante, et le consensus devient le cache-misère d’une pensée anémiée.

Ainsi, jour après jour, les éditorialistes dénoncent la nullité navrante de la télé-réalité, mais le flot télévisuel s’accroît régulièrement ainsi que son public.

Que se passe-t-il donc ?

La lucidité, balayée, n’est plus un rempart, mais un mouchoir que l’on agite, nostalgique, sur le quai, face à celui que l’on quitte, à la différence près que, celui qu’on laisse à quai… n’est autre que soi-même. Toute honte bue, nos contemporains fuient l’angoisse du tête-à-tête avec soi-même…Tout, tout plutôt que se retrouver seul avec ses doutes et ses incertitudes.

Ainsi, là où commence l’aventure philosophique, s’échouent les faux-semblants, car, comme le dit si bien Hölderlin, « Si riches soyons nous, ce qui nous appauvrit, c’est l’impuissance à être seul. »

Etre seul, non pas en mal de compagnie, non ! Etre seul dans le sens de savoir habiter avec soi. « Habitare secum » comme disaient les anciens philosophes pour qui le bonheur naît de la façon que l’on a d’être l’hôte de soi-même .

Car, comment créer un dialogue avec l’autre pour qui vit à la surface de lui-même ?

La violence, si elle a des racines économiques ou sociales, tient avant tout de l’impossibilité de se retrouver seul avec soi-même.



Le livre fut la première béquille, le premier ami qui nous fit aimer la solitude, pour ces quelques instants où, le posant sur nos genoux, nous embarquions rêveurs vers de nouvelles perspectives. On comprend bien qu’il soit la première victime…

Entre les écrans du multimédia et l’immensité d’internet, la concurrence est rude. Mais la bataille est inégale car ce n’est pas la rusticité du livre mais son austérité qui rebute le lecteur moderne.

Aucun bandeau ne défile, aucun encadré ne clignote, nulle créature de BD ne gigote en bas de la page, rien ne vient interrompre le lien à soi-même. Voilà le drame.

Le temps passé à lire est cinq fois moins important que celui passé devant la télévision, et on

comptabilise là tous types de lecture…

Pourtant le livre n’est pas qu’une notice, un abrégé pratique de savoir faire répondant à un besoin utilitaire.

Il n’est pas qu’une gourmandise, un clin d’œil malicieux répondant à notre intense soif de distraction. Le livre est tout cela et bien autre chose.

Le livre est un chemin vers soi-même, dont sort différent celui qui l’a emprunté.

Différent, c’est bien là le problème…

Est-ce pour cela que les bibliothèques ont disparu des collèges et lycées et qu’on leur a substitué les mornes CDI (Centres de documentation et d’information)?

Des grandes œuvres, on ne lira désormais plus que des extraits et le livre muet, rabaissé au rang de support documentaire ne parle plus à l’âme.

Là encore nous nous heurtons à cette peur de l’âme, qu’on évite de nommer, bien plus que la pire des obscénités, comme si l’évoquer, c’était déjà l’affronter.

Le mal est simple mais profond.

De tout temps la philosophie nous enseigne que pour devenir soi et devenir libre, il faut lâcher le recours permanent à l’autre, et puiser en soi les ressources.

« Connais-toi, toi-même » disait la phrase au fronton du temple de Delphes.

Ose être toi-même, faudrait-il paraphraser car la clé ne réside pas aujourd’hui dans la connaissance mais dans le courage.

La voie est tracée. A nous de nous y engager. Aucune relation, aucun ami ne pourra remplacer la rencontre avec notre conscience.

C’est d’elle que jaillira notre singularité, c’est d’elle que nous pourrons apprendre l’art difficile d’habiter avec soi.



Emmanuel Quad

emmanuel.quad@free.fr

 


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