Vivre la magie des contes - Bordeaux philo

Comment le merveilleux peut changer notre vie ...

Loin d’être des inventions pour enfants, les contes sont opérationnels et agissent sur l’âme des petits ou des grands. Ils sont destinés à éveiller l’homme, à le conduire à une meilleure conscience de lui-même ...
Comme l’enseigne JP Debailleul, leur fonction secrète est de nous ouvrir à la compréhension de nos fragilités et de nous faire oser une vraie transformation .
Le fameux conte du Chat Botté à ainsi été utilisé avec succès pour aider des demandeurs d’emploi à trouver un travail !
Rappelons nous l’histoire : Un meunier ne laissa pour tous biens à ses trois enfants que son moulin, son âne et son chat. L’aîné eut le moulin, le second eut l’âne et le plus jeune n’eut que le chat ... Mais bien que le cadet fut dépité de son héritage, le chat se révéla vite d’une aide précieuse. Faisant passer ce dernier pour un marquis, il s’attire les grâces du Roi en lui offrant moults présents et parvient même à doter son maître d’un château … celui de l’ogre, qu’il réussit à berner en le prenant au piège de son orgueil.
Devant tant de magnificence, l’histoire s’incline et le pauvre fils du meunier finit comblé d’honneurs en épousant la princesse.
Ainsi, malgré des circonstances défavorables, le Chat Botté, utilisant toutes les ressources de son intelligence, parvient à ce que son maître épouse la princesse, éternelle image de l’accomplissement de soi.
Il a su prendre des initiatives, faire fructifier des talents qui, au départ, semblaient maigres. Faisant émerger des qualités potentielles, il forge une identité chaque fois plus affirmée qui transforme la situation, faisant du rêve une réalité.
On ne peut rêver meilleur modèle pour qui désespère !
Le conte nous invite à ne pas mépriser notre « pauvre lot » qui peut être une qualité dont nous sommes pourvus et dans laquelle nous excellons, comme le Chat Botté.
En osant se voir différent, on agit autrement, car oser, c’est redresser ses qualités et les amener du registre ordinaire au registre infini, en réveillant des pouvoirs endormis.

Une magie très concrète puisqu’elle a permis à des adultes de faire un travail efficace dans le cadre de leur repositionnement professionnel. Comme le dit Amadou Hampâté Bâ: « Un conte est un miroir où chacun peut découvrir sa propre image ». Alors, ne nous laissons pas emprisonner par notre rationalité en ne voyant dans le merveilleux que des niaiseries pour enfants.

Ludivine

L’infini et la boîte de camembert ...
Petite, j’étais fascinée par la boîte de Blédine - marque de farine alors utilisée pour la bouillie des bébés - dans laquelle ma mère gardait le sucre. On y voyait une jeune mère tenant dans ses bras un bébé qui tenait lui-même une boîte de Blédine sur laquelle une jeune mère tenait dans ses bras un bébé qui tenait lui-même une boîte de Blédine, etc, etc...

Ce fut ma première expérience de l’infini. Je revécus quelques années plus tard ce même sentiment qui me conduisait aux portes d’un vertigineux mystère devant une boîte de camembert sur l’étiquette de laquelle un moine tenait une boîte de camembert sur laquelle un moine, etc… Je découvris que je pouvais poursuivre ainsi sans fin, non seulement du plus grand vers le plus petit mais aussi, selon que je regardais vers le bas ou vers le haut, vers l’infiniment grand.

Et je compris qu’y passerais-je ma vie et même si mon imagination me permettait de continuer au-delà de ce que mes sens pouvaient atteindre, jamais je n’arriverai au bout !

J’ai revécu à nouveau ce même sentiment à l’âge adulte en découvrant, au hasard d’un voyage, un extraordinaire café art nouveau dans la ville de Moulins. J’entrai et, le souffle coupé, me retrouvai devant mon image, de face comme de dos, multipliée à l’infini. Je fis demi-tour : même enfilade sans fin. Deux des murs de la salle étaient l’un et l’autre recouverts de grands miroirs en vis-à-vis. J’écrivais aussi mon adresse sur d’innombrables bouts de papier, dans la marge de mes cahiers :

Marie-Françoise Touret - 24 quai St-Jean - Blois - Loir-et-Cher (les départements ne comportaient pas encore de numéros à l’époque)- France - Europe - Hémisphère Nord -Terre - Système solaire - Univers (j’ignorais encore tout des galaxies) et je considérais, médusée, l’étrange et merveilleux mystère de mon improbable appartenance à un monde incommensurable.

Ou encore, je m’imaginais, fermant les yeux et sautant, comme pour jouer à la marelle. Mais, au lieu de retomber sur la case suivante, je continuais à monter, monter dans le ciel, disparaissant dans l’infini, sachant que je continuais ma course au-delà de toutes les possibilités de mon imagination.

Et, à dire vrai, si je rentre en moi-même et m’interroge honnêtement, je crois bien être convaincue que je monte toujours et continue à m’élever vers un lieu à jamais inaccessible mais vers lequel je me dirige tout droit, jusqu’au moment où, peut-être, je franchirai la frontière qui marque la limite de l’espace et du temps.

Marie-Françoise Touret